La Curée

La Curée (paragraphe n°181)

Chapitre I

A cette heure, elle était là avec ses intimes. Sa sœur et sa tante venaient de partir. Il n'y avait plus, dans le cénacle, que des têtes folles. Renversée à demi au fond d'une causeuse, Renée écoutait les confidences de son amie Adeline, qui lui parlait à l'oreille, avec des mines de chatte et des rires brusques. Suzanne Haffner était fort entourée ; elle tenait tête à un groupe de jeunes gens qui la serraient de très près, sans qu'elle perdît sa langueur d'Allemande, son effronterie provocante, nue et froide comme ses épaules. Dans un coin, madame Sidonie endoctrinait à voix basse une jeune femme aux cils de vierge. Plus loin, Louise, debout, causait avec un grand garçon timide, qui rougissait ; tandis que le baron Gouraud, en pleine clarté, sommeillait dans son fauteuil, étalant ses chairs molles, sa carrure d'éléphant blême, au milieu des grâces frêles et de la soyeuse délicatesse des dames. Et, dans la pièce, sur les jupes de satin aux plis durs et vernis comme de la porcelaine, sur les épaules dont les blancheurs laiteuses s'étoilaient de diamants, une lumière de féerie tombait en poussière d'or. Une voix fluette, un rire pareil à un roucoulement, sonnaient, avec des limpidités de cristal. Il faisait très chaud. Des éventails battaient lentement, comme des ailes, jetant à chaque souffle, dans l'air alangui, les parfums musqués des corsages.

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