La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°50)

Partie : PREMIERE PARTIE, chapitre I

Brusquement, le 3 août, avait éclaté la nouvelle de la victoire de Sarrebruck, remportée la veille. Grande victoire, on ne savait. Mais les journaux débordaient d'enthousiasme, c'était l'Allemagne envahie, le premier pas dans la marche glorieuse ; et le prince impérial, qui avait ramassé froidement une balle sur le champ de bataille, commençait sa légende. Puis, deux jours plus tard, lorsqu'on avait su la surprise et l'écrasement de Wissembourg, un cri de rage s'était échappé des poitrines. Cinq mille hommes pris dans un guet-apens, qui avaient résisté pendant dix heures à trente-cinq mille Prussiens, ce lâche massacre criait simplement vengeance ! Sans doute, les chefs étaient coupables de s'être mal gardés et de n'avoir rien prévu. Mais tout cela allait être réparé, Mac-Mahon avait appelé la première division du 7e corps, le 1er corps serait soutenu par le 5e, les Prussiens devaient, à cette heure, avoir repassé le Rhin, avec les baïonnettes de nos fantassins dans le dos. Et la pensée qu'on s'était furieusement battu ce jour-là, l'attente de plus en plus enfiévrée des nouvelles, toutel'anxiété épandue s'élargissait à chaque minute sous le vaste ciel pâlissant.

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