La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°92)

Partie : PREMIERE PARTIE, chapitre I

Jean, effrayé par cette clarté vive, sortit à son tour précipitamment de la tente ; et il faillit buter dans Maurice, soulevé sur un coude, regardant. Déjà, la nuit était retombée plus opaque, les deux hommes restèrent allongés sur la terre nue, à quelques pas l'un de l'autre. Il n'y avait plus, en face d'eux, au fond des ténèbres épaisses, que la fenêtre toujours éclairée de la ferme, cette chandelle perdue qui semblait veiller un mort. Quelle heure pouvait-il être ? deux heures, trois heures peut-être. Là-bas, l'état-major ne s'était décidément pas couché. On entendait la voix braillarde du général Bourgain-Desfeuilles, enragé de cette nuit de veille, pendant laquelle il n'avait pu se soutenir qu'à l'aide de grogs et de cigares. De nouveaux télégrammes arrivaient, les choses devaient se gâter, des ombres d'estafettes galopaient, affolées et indistinctes. Il y eut des piétinements, des jurons, comme un cri étouffé de mort, suivi d'un effrayant silence. Quoi donc ? était-ce la fin ? Un souffle glacé avait couru sur le camp, anéanti de sommeil et d'angoisse.

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