La Terre

La Terre (paragraphe n°1041)

Chapitre V

Ecoutez, continua-t-il, la lutte s'établit et s'aggrave entre la grande propriété et la petite... Les uns, comme moi, sont pour la grande, parce qu'elle paraît aller dans le sens même de la science et du progrès, avec l'emploi de plus en plus large des machines, avec le roulement des gros capitaux... Les autres, au contraire, ne croient qu'à l'effort individuel et préconisent la petite, rêvent de je ne sais quelle culture en raccourci, chacun produisant sonfumier lui-même et soignant son quart d'arpent, triant ses semences une à une, leur donnant la terre qu'elles demandent, élevant ensuite chaque plante à part, sous cloche... Laquelle des deux l'emportera ? Du diable si je m'en doute ! Je sais bien, comme je vous le disais, que tous les ans, de grandes fermes ruinées se démembrent autour de moi, aux mains de bandes noires, et que la petite propriété gagne certainement du terrain. Je connais, en outre, à Rognes, un exemple très curieux, une vieille femme qui tire de moins d'un arpent, pour elle et son homme, un vrai bien-être, même des douceurs : oui, la mère Caca, comme ils l'ont surnommée, parce qu'elle ne recule pas à vider son pot et celui de son vieux dans ses légumes, selon la méthode des Chinois, paraît-il. Mais ce n'est guère là que du jardinage, je ne vois pas les céréales poussant par planches, comme les navets ; et si, pour se suffire, le paysan doit produire de tout, que deviendraient donc nos Beaucerons, avec leur blé unique, dans notre Beauce, découpée en damier ?... Enfin, qui vivra verra bien à qui sera l'avenir, de la grande ou de la petite...

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