La Terre

La Terre (paragraphe n°2414)

Chapitre IV

Ça devait le tenir bien fort, ce furieux désir de posséder, qu'ils ont dans les os comme une rage, tous les anciens mâles, usés à engrosser la terre ; ça le tenait si fort, qu'il avait signé un papier avec le père Saucisse, par lequel celui-ci, après sa mort, lui cédait un arpent de terre, à la condition qu'il toucherait quinze sous chaque matin, sa vie durant. Un pareil marché, quand on a soixante-seize ans, et que le vendeur en a dix de moins ! La vérité était que ce dernier avait eu la gredinerie de se mettre au lit, vers cette époque : il toussait, il rendait l'âme, si bien que l'autre, abêti par son envie, se croyait le malin des deux, pressé de conclure la bonne affaire. N'importe, ça prouve que, lorsqu'on a le feu au derrière, pour une fille ou pour un champ, on ferait mieux de se coucher que de signer des choses ; car ça durait depuis cinq ans, les quinze sous chaque matin ; et plus il en lâchait, plus il s'enrageait après la terre, plus il la voulait. Dire qu'il s'était débarrassé de tous les embêtements de sa longue vie de travail, qu'il n'avait plus qu'à mourirtranquille, en regardant les autres donner leur chair à la terre ingrate, et qu'il était retourné se faire achever par elle ! Ah ! les hommes ne sont guère sages, les vieux pas plus que les jeunes !

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