La Terre

La Terre (paragraphe n°2572)

Chapitre V

C'était un sourd travail de Macqueron, mené avec une prudence de sauvage, qui aboutissait enfin. Chez ce paysan devenu riche, tombé à l'oisiveté, se traînant, sale et mal tenu dans des loisirs de monsieur dont il crevait d'ennui, peu à peu était poussée l'ambition d'être maire, l'unique amusement de son existence, désormais. Et il avait miné Hourdequin, exploitant la haine vivace, innée au cœur de tous les habitants de Rognes, contre les seigneurs autrefois, contre le fils de bourgeois qui possédait la terre aujourd'hui. Bien sûr qu'il l'avait eue pour rien, la terre ! un vrai vol, du temps de la Révolution ! pas de danger qu'un pauvre bougre profitât des bonnes chances, ça retournait toujours aux canailles, las de s'emplir les poches ! Sans compter qu'il s'y passait de propres choses, à la Borderie. Une honte, cette Cognette, que le maître allait reprendre sur les paillasses des valets, par goût ! Tout cela s'éveillait, circulait en mots crus dans le pays, soulevait des indignations même chez ceux qui auraient culbuté ou vendu leur fille, si le dérangement en avait valu la peine. De sorte que les conseillers municipaux finissaient par dire qu'un bourgeois, ça devait rester à voler et à paillarder avec les bourgeois ; tandis que, pour bien mener une commune de paysans, il fallait un maire paysan.

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