La Terre

La Terre (paragraphe n°2814)

Chapitre I

Avant les labours d'hiver, la Beauce, à perte de vue, se couvrait de fumier, sous les ciels pâlis de septembre. Du matin au soir, un charriage lent s'en allait par les chemins de campagne, des charrettes débordantes de vieille paille consommée, qui fumaient, d'une grosse vapeur, comme si elles eussent porté de la chaleur à la terre. Partout, les pièces se bossuaient de petits tas, la mer houleuse et montante des litières d'étable et d'écurie ; tandis que, dans certains champs, on venait d'étendre les tas, dont le flot répandu ombrait au loin le sol d'une salissure noirâtre. C'était la poussée du printemps futur qui coulait avec cette fermentation des purins ; la matière décomposée retournait à la matrice commune, la mort allait refaire de la vie ; et, d'un bout à l'autre de la plaine immense, une odeur montait, l'odeur puissante de ces fientes, nourrices du pain des hommes.

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