La Terre

La Terre (paragraphe n°2977)

Chapitre II

Fouan, qui n'était pas retourné chez les Delhomme par un entêtement d'orgueil, ulcéré du mot que sa fille avait dit, en arriva à tout endurer des Buteau, les mauvaises paroles, même les bourrades. Il ne songeait plus à ses autres enfants ; il s'abandonnait là, dans une telle lassitude, que l'idée de s'en tirer ne lui venait point : ça ne marcherait pas mieux ailleurs, à quoi bon ? Fanny, lorsqu'elle le rencontrait, passait raide, ayant juré de ne jamais lui reparler la première. Jésus-Christ, meilleur enfant, après lui avoir gardé rancune de la sale façon dont il avait quitté le Château, s'était amusé un soir à le griser abominablement chez Lengaigne, puis à le ramener ainsi devant sa porte : une histoire terrible, la maison en l'air, Lise obligée de laver la cuisine, Buteau jurant qu'une autre fois il le ferait coucher sur le fumier ; de sorte que le vieux, craintif, se méfiait maintenant de son aîné, au point d'avoir le courage de refuser les rafraîchissements. Souvent aussi, il voyait la Trouille avec ses oies, quand il s'asseyait dehors, au bord d'un chemin. Elle s'arrêtait, le fouillait de ses yeux minces, causait un instant, tandis que ses bêtes, derrière elle, l'attendaient, debout sur une patte, le cou en arrêt. Mais, un matin, il constata qu'elle lui avait volé son mouchoir, et, dès lors, du plus loin qu'il l'aperçut, il agita ses bâtons pour la chasser. Elle rigolait,s'amusait à lancer ses oies sur lui, ne se sauvait que lorsqu'un passant menaçait de la gifler, si elle ne laissait pas son grand-père tranquille.

?>