La Terre

La Terre (paragraphe n°3128)

Chapitre IV

On l'aurait crue morte déjà, sans le petit souffle pénible de sa gorge. Depuis la veille, elle était sur le dos, comme frappée d'immobilité et de silence. Dans la fièvre ardente qui la brûlait, sa volonté, au fond d'elle, semblait se bander et résister au délire, tellement elle craignait de parler. Toujours, elle avait eu un singulier caractère, une sacrée tête, ainsi qu'on le disait, la tête des Fouan, ne faisant rien à l'exemple des autres, ayant des idées qui stupéfiaient le monde. Peut-être obéissait-elle à un profond sentiment de la famille, plus fort que la haine et le besoin de vengeance. A quoi bon, puisqu'elle allait mourir ? C'étaient des choses qu'on enterrait entre soi, dans le coin de terre où l'on avait poussé tous, des choses qu'il ne fallait jamais, à aucun prix, étaler devant un étranger ; et Jean était l'étranger, ce garçon qu'elle n'avait pu aimer d'amour, dont elle emportait l'enfant, sans le faire, comme si elle était punie de l'avoir commencé.

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