La Terre

La Terre (paragraphe n°3275)

Chapitre IV

Tous ses chagrins l'avaient repris, à cette voix effrayante, près de cette femme qui agonisait. La terre qu'il aimait tant, d'une passion sentimentale, intellectuelle presque, l'achevait, depuis les dernières récoltes. Sa fortune y avait passé, bientôt la Borderie ne lui donneraitmême plus de quoi manger. Rien n'y avait fait, ni l'énergie, ni les cultures nouvelles, les engrais, les machines. Il expliquait son désastre par son manque de capitaux ; encore doutait-il, car la ruine était générale, les Robiquet venaient d'être expulsés de la Chamade dont ils ne payaient pas les fermages, les Coquart allaient être forcés de vendre leur ferme de Saint-Juste. Et pas moyen de briser la geôle, jamais il ne s'était senti davantage le prisonnier de sa terre, chaque jour l'argent engagé, le travail dépensé l'y avaient rivé d'une chaîne plus courte. La catastrophe approchait, qui terminerait l'antagonisme séculaire de la petite propriété et de la grande, en les tuant toutes les deux. C'était le commencement des temps prédits, le blé au-dessous de seize francs, le blé vendu à perte, la faillite de la terre, que des causes sociales amenaient, plus fortes décidément que la volonté des hommes.

?>