Nana

Nana (paragraphe n°40)

Chapitre I

Sur le trottoir, la rampe de gaz qui flambait à la corniche du théâtre jetait une nappe de vive clarté. Deux petits arbres se détachaient nettement, d'un vert cru ; une colonne blanchissait, si vivement éclairée, qu'on y lisait de loin les affiches, comme en plein jour ; et, au-delà, la nuit épaissie du boulevard se piquait de feux, dans le vague d'une foule toujours en marche. Beaucoup d'hommes n'entraient pas tout de suite, restaient dehors à causer en achevant un cigare, sous le coup de lumière de la rampe, qui leur donnait une pâleur blême et découpait sur l'asphalte leurs courtes ombres noires. Mignon, un gaillard très grand, très large, avec une tête carrée d'hercule de foire, s'ouvrait un passage au milieu des groupes, traînant à son bras le banquier Steiner, tout petit, le ventre déjà fort, la face ronde et encadrée d'un collier de barbe grisonnante.

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