Nana

Nana (paragraphe n°88)

Chapitre I

C'était une députation de mortels, que Ganymède et Iris avaient introduite, des bourgeois respectables, tous maris trompés et venant présenter au maître des dieux une plainte contre Vénus, qui enflammait vraiment leurs femmes de trop d'ardeurs. Le chœur, sur un ton dolent et naïf, coupé de silences pleins d'aveux, amusa beaucoup. Un mot fit le tour de la salle : " Le chœur des cocus, le chœur des cocus " ; et le mot devait rester, on cria " bis ". Les têtes des choristes étaient drôles, on leur trouvait une figure à ça, un gros surtout, la face ronde comme une lune. Cependant, Vulcain arrivait, furieux, demandant sa femme, filée depuis trois jours. Le chœur reprenait, implorant Vulcain, le dieu des cocus. Ce personnage de Vulcain était joué par Fontan, un comique d'un talent canaille et original, qui avait un déhanchement d'une fantaisie folle, en forgeron de village, la perruque flambante, les bras nus, tatoués de cœurs percés de flèches. Une voix de femme laissa échapper, très haut : " Ah ! qu'il est laid ! " ; et toutes riaient en applaudissant.

?>