Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°105)

Chapitre I

Rougon, qui venait d'être introduit avec le cérémonial d'usage, était déjà assis entre deux conseillers d'Etat, au banc des commissaires du gouvernement, une sorte de caisse d'acajou énorme, installée au bas du bureau, à la place même de la tribune supprimée. Il crevait de ses larges épaules son uniforme de drap vert, chargé d'or au collet et aux manches. La face tournée vers la salle, avec sa grosse chevelure grisonnante plantée sur son front carré, il éteignait ses yeux sous d'épaisses paupières toujours à demi baissées ; et son grand nez, ses lèvres taillées en pleine chair, ses joues longues où ses quarante-six ans ne mettaient pas une ride, avaient une vulgarité rude, que transfigurait par éclairs la beauté de la force. Il resta adossé, tranquillement, le menton dans le collet de son habit, sans paraître voir personne, l'air indifférent et un peu las.

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