La Débâcle – 517

En songeant à ces choses, désespéré et frémissant, Maurice suivait l’ombre, sur la mousseline légère de la bonne madame Desroches, l’ombre fiévreuse, piétinante, que semblait pousser l’impitoyable voix, venue de Paris. Cette nuit-là, l’impératrice n’avait-elle pas souhaité la mort du père, pour que le fils régnât ? Marche ! marche ! sans regarder en arrière, sous la pluie, dans la boue, à l’extermination, afin que cette partie suprême de l’Empire à l’agonie soit jouée jusqu’à la dernière carte. Marche ! marche ! meurs en héros sur les cadavres entassés de ton peuple, frappe le monde entier d’une admiration émue, si tu veux qu’il pardonne à ta descendance ! Et sans doute l’empereur marchait à la mort. En bas, la cuisine ne flambait plus, les écuyers, les aides de camp, les chambellans dormaient, toute la maison était noire ; tandis que, seule, l’ombre allait et revenait sans cesse, résignée à la fatalité du sacrifice, au milieu de l’assourdissant vacarme du 12e corps, qui continuait de défiler, dans les ténèbres.