La Débâcle – 1913

De cette hauteur boisée de la Marfée, le roi Guillaume venait d’assister à la jonction de ses troupes. C’en était fait, la IIIe armée, sous les ordres de son fils, le prince royal de Prusse, qui avait cheminé par Saint-Menges et Fleigneux, prenait possession du plateau d’Illy ; tandis que la IVe, que commandait le prince royalde Saxe, arrivait de son côté au rendez-vous, par Daigny et Givonne, en tournant le bois de la Garenne. Le XIe corps et le Ve donnaient ainsi la main au XIIe corps et à la garde. Et l’effort suprême pour briser le cercle, au moment où il se fermait, l’inutile et glorieuse charge de la division Margueritte avait arraché au roi un cri d’admiration : ” Ah ! les braves gens ! ” Maintenant, l’enveloppement mathématique, inexorable, se terminait, les mâchoires de l’étau s’étaient rejointes, il pouvait embrasser d’un coup d’œil l’immense muraille d’hommes et de canons qui enveloppait l’armée vaincue. Au nord, l’étreinte devenait de plus en plus étroite, refoulait les fuyards dans Sedan, sous le feu redoublé des batteries, dont la ligne ininterrompue bordait l’horizon. Au midi, Bazeilles conquis, vide et morne, finissait de brûler, jetant de gros tourbillons de fumée et d’étincelles ; pendant que les Bavarois, maîtres de Balan, braquaient des canons, à trois cents mètres des portes de la ville. Et les autres batteries, celles de la rive gauche, installées à Pont-Maugis, à Noyers, à Frénois, à Wadelincourt, qui tiraient sans un arrêt depuis bientôt douze heures, tonnaient plus haut, complétaient l’infranchissable ceinture de flammes, jusque sous les pieds du roi.