Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°1720)

Chapitre IX

Enfin, on rouvrit les portes, et le flot entra. Dès la première heure, avant que les magasins fussent pleins, il se produisit sous le vestibule un écrasement tel, qu'il fallut avoir recours aux sergents de ville, pour rétablir la circulation sur le trottoir. Mouret avait calculé juste : toutes les ménagères, une troupe serrée de petites bourgeoises et de femmes en bonnet, donnaient assaut aux occasions, aux soldes et aux coupons, étalés jusque dans la rue. Des mains en l'air, continuellement, tâtaient " les pendus " de l'entrée, un calicot à sept sous, une grisaille laine et coton à neuf sous, surtout un orléans à trente-huit centimes, qui ravageait les bourses pauvres. Il y avait des poussées d'épaules, une bousculade fiévreuse autour des casiers et des corbeilles, où des articles au rabais, dentelles à dix centimes, rubans à cinq sous, jarretières à trois sous, gants, jupons, cravates, chaussettes et bas de coton s'éboulaient, disparaissaient, comme mangés par la foule vorace. Malgré le temps froid, les commis qui vendaient au plein air du pavé, nepouvaient suffire. Une femme grosse jeta des cris. Deux petites filles manquèrent d'être étouffées.

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