Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2086)

Chapitre X

En bas, dans l'échauffement de l'après-midi, l'inventaire ronflait davantage. L'heure était venue du coup de collier, lorsque, devant la besogne peu avancée du matin, toutes les forces se tendaient, pour avoir fini le soir. Les voix se haussaient encore, on ne voyait que la gesticulation des bras, vidant toujours les cases, jetant les marchandises, et on ne pouvait plus marcher, la crue des piles et des ballots, sur les parquets, montait à la hauteur des comptoirs. Une houle de têtes, de poings brandis, de membres volants, semblait se perdre au fond des rayons, dans un lointain confus d'émeute. C'était la fièvre dernière du branle-bas, la machine près de sauter ; tandis que, le long des glaces sans tain, autour du magasin fermé, continuaient à passer de rares promeneurs, blêmes de l'ennui étouffant du dimanche. Sur le trottoir de la rue Neuve-Saint-Augustin, trois grandes filles en cheveux, l'air souillon, s'étaient plantées, collant effrontément leursvisages aux glaces, tâchant de voir la drôle de cuisine qu'on bâclait là-dedans.

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