Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2146)

Chapitre X

Et ces demoiselles se regardèrent avec surprise. A six heures, l'inventaire était terminé. Le soleil luisait encore, un blond soleil d'été, dont le reflet d'or tombait par les vitrages des halls. Dans l'air alourdi des rues, déjà des familles lasses revenaient de la banlieue, chargées de bouquets, et traînant des enfants. Un à un, les rayons avaient fait silence. On n'entendait plus, au fond des galeries, que les appels attardés de quelques commis vidant une dernière case. Puis, ces voix elles-mêmes seturent, il ne resta du vacarme de la journée qu'un grand frisson, au-dessus de la débâcle formidable des marchandises. Maintenant, les casiers, les armoires, les cartons, les bottes, se trouvaient vides : pas un mètre d'étoffe, pas un objet quelconque n'était demeuré à sa place. Les vastes magasins n'offraient que la carcasse de leur aménagement, les menuiseries absolument nettes, comme au jour de l'installation. Cette nudité était la preuve visible du relevé complet et exact de l'inventaire. Et, à terre, s'entassaient seize millions de marchandises, une mer montante qui avait fini par submerger les tables et les comptoirs. Les commis, noyés jusqu'aux épaules, commençaient à replacer chaque article. On espérait avoir terminé vers dix heures.

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