Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2250)

Chapitre XI

Mouret défendait leur vertu avec une conviction qui faisait rire Vallagnosc. Alors, Bouthemont intervint, pour sauver son chef. Mon Dieu ! il y avait un peu de tout parmi elles, des coquines et de braves filles. Le niveau de leur moralité montait, d'ailleurs. Autrefois, on n'avait guère que les déclassées du commerce, les filles vagues et pauvres tombaient dans les nouveautés ; tandis que, maintenant, des familles de la rue de Sèvres, par exemple, élevaient positivement leurs gamines pour le Bon Marché. En somme, quand elles voulaient se bien conduire, elles le pouvaient ; car elles n'étaient pas, comme les ouvrières du pavé parisien, obligées de se nourrir et de se loger : elles avaient la table et le lit, leur existence se trouvait assurée, une existence très dure sans doute. Le pis était leur situation neutre, mal déterminée, entre la boutiquière et la dame. Ainsi jetées dans le luxe, souvent sans instruction première, elles formaient une classe à part, innommée. Leurs misères et leurs vices venaient de là.

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