Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2261)

Chapitre XI

Tout de suite, le baron manœuvra pour emmener Mouret, en abandonnant ces dames à Bouthemont et à Vallagnosc. Puis, ils causèrent devant la fenêtre du salon voisin, debout, baissant la voix. C'était toute une affaire nouvelle. Depuis longtemps, Mouret caressait le rêve de réaliser son ancien projet, l'envahissement de l'îlot entier par le Bonheur des dames, de la rue Monsigny à la rue de la Michodière, et de la rue Neuve-Saint-Augustin à la rue du Dix-Décembre. Dans le pâté énorme, il y avait encore, sur cette dernière voie, un vaste terrain en bordure, qu'il ne possédait point ; et cela suffisait à gâter son triomphe, il était torturé par le besoin de compléter sa conquête, de dresser, là, comme apothéose, une façade monumentale. Tant que l'entrée d'honneur se trouverait rue Neuve-Saint-Augustin, dans une rue noire du vieux Paris, son œuvre demeurait infirme, manquait de logique ; il la voulait afficher devant le nouveau Paris, sur une de ces jeunes avenues où passait au grand soleil la cohue de la fin du siècle ; il la voyait dominer, s'imposer comme le palais géant du commerce, jeter plus d'ombre sur la ville que le vieux Louvre. Mais, jusque-là, il s'était heurté contre l'entêtement du Crédit Immobilier, qui tenait à sa première idée d'élever, le long du terrain en bordure, une concurrence au Grand-Hôtel. Les plans étaient prêts, on attendait seulement le déblaiement de la rue du Dix-Décembre, pour creuser les fondations. Enfin, dans un dernier effort, Mouret avait presque convaincu le baron Hartmann.

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