Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°229)

Chapitre II

Bourdoncle le suivit. Le service de la réception se trouvait dans le sous-sol, du côté de la rue Neuve-Saint-Augustin. Là, au ras du trottoir, s'ouvrait une cage vitrée,où les camions déchargeaient les marchandises. Elles étaient pesées, puis elles basculaient sur une glissoire rapide, dont le chêne et les ferrures luisaient, polis sous le frottement des ballots et des caisses. Tous les arrivages entraient par cette trappe béante ; c'était un engouffrement continu, une chute d'étoffes qui tombaient avec un ronflement de rivière. Aux époques de grande vente surtout, la glissoire lâchait dans le sous-sol un flot intarissable, les soieries de Lyon, les lainages d'Angleterre, les toiles des Flandres, les calicots d'Alsace, les indiennes de Rouen ; et, parfois, les camions devaient prendre la file ; les paquets en coulant faisaient, au fond du trou, le bruit sourd d'une pierre jetée dans une eau profonde.

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