Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2455)

Chapitre XII

Mais Bourdoncle était accouru, inquiet à l'idée du scandale. Il murmura quelques mots à l'oreille de Mouret, l'affaire prenait une gravité exceptionnelle ; et il le décida à conduire Mignot dans le bureau des inspecteurs, une pièce située au rez-de-chaussée, près de la porte Gaillon. La femme se trouvait là, en train de remettre tranquillement son corset. Elle venait de nommer Albert Lhomme. Mignot, questionné de nouveau, perdit la tête, sanglota : lui, n'était pas coupable, c'était Albert qui lui envoyait ses maîtresses ; d'abord, il les avantageait simplement, les faisait profiter des occasions ; puis, quand elles finissaient par voler, il était trop compromis déjà pour avertir ces messieurs. Et ceux-ci apprirent alors toute une série de vols extraordinaires : des marchandises enlevées par des filles, qui allaient les attacher sous leurs jupons, dans les cabinets luxueux, installés près dubuffet ; au milieu des plantes vertes ; des achats qu'un vendeur négligeait d'appeler à une caisse, lorsqu'il y conduisait une cliente, et dont il partageait le prix avec le caissier ; jusqu'à de faux " rendus ", des articles qu'on annonçait comme rentrés dans la maison, pour empocher l'argent remboursé fictivement ; sans compter le vol classique, des paquets sortis le soir sous la redingote, roulés autour de la taille, parfois même pendus le long des cuisses. Depuis quatorze mois, grâce à Mignot et à d'autres vendeurs sans doute qu'ils refusèrent de nommer, il se faisait ainsi, à la caisse d'Albert, une cuisine louche, tout un gâchis impudent, pour des sommes dont on ne connut jamais le chiffre exact.

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