Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2648)

Chapitre XIII

Le soir, justement, Mouret fit demander la jeune fille, pour causer d'un vêtement d'enfant qu'il voulait lancer, un mélange d'écossais et de zouave. Et, toute frémissante de pitié, révoltée de tant de souffrances, elle ne put se contenir ; elle osa d'abord parler de Bourras, de ce pauvre homme à terre qu'on allait égorger. Mais, au nom du marchand de parapluies, Mouret s'emporta. Le vieux toqué, comme il l'appelait, désolait sa vie, gâtait son triomphe, par son entêtement idiot à ne pas céder sa maison, cette ignoble masure dont les plâtres salissaient le Bonheur des dames, le seul petit coin du vaste pâté échappé à la conquête. L'affaire tournait au cauchemar ; tout autre que la jeune fille, parlant en faveur de Bourras, aurait risqué d'être jeté dehors, tellement Mouret était torturé du besoin maladif d'abattre la masure à coups de pied. Enfin, que voulait-on qu'il fît ? Pouvait-il laisser ce tas de décombres au flanc du Bonheur ? Il fallait bien qu'il disparût, le magasin devait passer. Tant pis pour le vieux fou ! Et il rappelait ses offres, il lui avait proposé jusqu'à cent mille francs. N'était-ce pas raisonnable ? Certes, il ne marchandait pas, il donnait l'argent qu'on exigeait ; mais, au moins, qu'on eût un peu d'intelligence, qu'on le laissât finir son œuvre ! Est-ce qu'on se mêlait d'arrêter les locomotives, sur les chemins de fer ? Elle l'écoutait, les yeux baissés, ne trouvant que des raisons desentiment. Le bonhomme était si vieux, on aurait pu attendre sa mort, une faillite le tuerait. Alors, il déclara qu'il n'était même plus le maître d'empêcher les choses, Bourdoncle s'en occupait, car le conseil avait résolu d'en finir. Elle n'eut rien à ajouter malgré l'apitoiement douloureux de ses tendresses.

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