Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2698)

Chapitre XIII

Une fois encore, tout le petit commerce ruiné du quartier défila au convoi. On y vit les frères Vanpouille, blêmes de leurs échéances de décembre, payées par un suprême effort qu'ils ne pourraient recommencer. Bédoré et sœur s'appuyait sur une canne, travaillé de tels soucis, que sa maladie d'estomac s'aggravait. Deslignières avait eu une attaque, Piot et Rivoire marchaient en silence, le nez à terre, en hommes finis. Et l'on n'osait s'interroger sur les disparus, Quinette, mademoiselle Tatin, d'autres qui, du matin au soir, sombraient, roulés, emportés, dans le flot des désastres ; sans compter Robineau allongé sur son lit, avec sa jambe cassée. Mais on se montrait surtout, d'un air d'intérêt, les nouveaux commerçants atteints par la peste : le parfumeur Grognet, la modiste madame Chadeuil, et Lacassagne le fleuriste, et Naud le cordonnier, encore debout, pris seulement de l'anxiété du mal qui devait les balayer à leur tour. Derrière le corbillard, Baudu marchait du même pas de bœuf assommé, dont il avait accompagné sa fille ; tandis que, au fond de la première voiture de deuil, on apercevait les yeux étincelants de Bourras, sous les broussailles de ses sourcils et de ses cheveux, d'un blanc de neige.

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