Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°2891)

Chapitre XIV

Ce rayon, créé de la veille, se trouvait à côté du salon de lecture. Madame Desforges, pour éviter l'encombrement des escaliers, parla de prendre l'ascenseur ; mais elles durent y renoncer, on faisait queue à la porte de l'appareil. Enfin, elles arrivèrent, elles passèrent devant le buffet public, où la cohue devenait telle, qu'un inspecteur devait refréner les appétits, en ne laissant plus entrer la clientèle gloutonne que par petits groupes. Et, du buffet même, ces dames commencèrent à sentir le rayon de la parfumerie, une odeur pénétrante de sachet enfermé, qui embaumait la galerie. On s'y disputait un savon, le savon Bonheur, la spécialité de la maison. Dans les comptoirs à vitrines, et sur les tablettes de cristal des étagères, s'alignaient les pots de pommades et de pâtes, les boîtes de poudres et de fards, les fioles d'huiles et d'eaux de toilette ; tandis que la brasserie fine, les peignes, les ciseaux, les flacons de poche, occupaient une armoire spéciale. Les vendeurs s'étaient ingéniés à décorer l'étalage de tous leurs pots de porcelaine blanche, de toutes leurs fioles de verre blanc. Ce qui ravissait, c'était, au milieu, une fontaine d'argent, une bergère debout sur une moisson de fleurs, et d'où coulait un filet continu d'eau de violette, qui résonnait musicalementdans la vasque de métal. Une senteur exquise s'épandait alentour, les dames en passant trempaient leurs mouchoirs.

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