Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°292)

Chapitre II

Cependant, le magasin restait vide de clientes. Seules, les ménagères du quartier traversaient les galeries désertes. A la porte, l'inspecteur qui pointait l'arrivée des employés, venait de refermer son registre et inscrivait à part les retardataires. C'était le moment où les vendeurs s'installaient dans leurs rayons, que les garçons avaient balayés et époussetés dès cinq heures. Chacun casait son chapeau et son pardessus, en étouffant un bâillement, la mine blanche encore de sommeil. Les uns échangeaient des mots, regardaient en l'air, semblaient se dérouiller pour une nouvelle journée de travail ; d'autres, sans se presser, retiraient les serges vertes, dont ils avaient, la veille au soir, couvert les marchandises, après les avoir repliées ; et les piles d'étoffes apparaissaient, rangées symétriquement, tout le magasin était propre et en ordre, d'un éclat tranquille dans la gaieté matinale, en attendant que la bousculade de la vente l'ait une fois de plus obstrué et comme rétréci d'une débâcle de toile, de drap, de soie et de dentelle.

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