Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°340)

Chapitre II

Alors, la seconde tira le modèle d'une armoire, et l'explication continua. Tout pliait devant madame Aurélie, quand elle croyait avoir à défendre son autorité. Très vaniteuse, au point de ne pas vouloir être appelée de son nom de Lhomme qui la vexait, et de renier la loge de son père, dont elle parlait comme d'un tailleur en boutique, elle n'était bonne femme que pour lesdemoiselles souples et caressantes, tombant en admiration devant elle. Autrefois, dans l'atelier de confection qu'elle avait voulu monter à son compte, elle s'était aigrie, sans cesse traquée par la mauvaise chance, exaspérée de se sentir des épaules à porter la fortune et de n'aboutir qu'à des catastrophes ; et, aujourd'hui encore, même après son succès au Bonheur des dames, où elle gagnait douze mille francs par an, il semblait qu'elle gardât une rancune au monde, elle se montrait dure pour les débutantes, comme la vie s'était d'abord montrée dure pour elle.

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