Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°567)

Chapitre III

Cette soie, depuis que les réclames étaient lancées, occupait dans leur vie quotidienne une placeconsidérable. Elles en causaient, elles se la promettaient, travaillées de désir et de doute. Et, sous la curiosité bavarde dont elles accablaient le jeune homme, apparaissaient leurs tempéraments particuliers d'acheteuses : madame Marty, emportée par sa rage de dépense, prenant tout au Bonheur des dames, sans choix, au hasard des étalages ; madame Guibal, s'y promenant des heures sans jamais faire une emplette, heureuse et satisfaite de donner un simple régal à ses yeux ; madame de Boves, serrée d'argent, toujours torturée d'une envie trop grosse, gardant rancune aux marchandises, qu'elle ne pouvait emporter ; madame Bourdelais, d'un flair de bourgeoise sage et pratique, allant droit aux occasions, usant des grands magasins avec une telle adresse de bonne ménagère, exempte de fièvre, qu'elle y réalisait de fortes économies ; Henriette enfin, qui, très élégante, y achetait seulement certains articles, ses gants, de la bonneterie, tout le gros linge.

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