Au Bonheur des dames

Au Bonheur des dames (paragraphe n°650)

Chapitre IV

La jeune fille recula ; et, comme des larmes lui montaient aux yeux, elle voulut cacher cet excès de sensibilité, elle tourna le dos, debout devant les glaces sans tain, feignant de regarder dans la rue. Allait-on l'empêcher de vendre ? Toutes s'entendraient-elles, pour lui enlever ainsi les ventes sérieuses ? La peur de l'avenir la prenait, elle se sentait écrasée entre tant d'intérêts lâchés. Cédant à l'amertume de son abandon, le front contre la glace froide, elle regardait en face le Vieil Elbeuf, elle songeait qu'elle aurait dû supplier son oncle de la garder ; peut-être lui-même désirait-il revenir sur sa décision, car il lui avait semblé bien ému, la veille. Maintenant, elle était toute seule, dans cette maison vaste, où personne ne l'aimait, où elle se trouvait blesséeet perdue ; Pépé et Jean vivaient chez les étrangers, eux qui n'avaient jamais quitté ses jupes ; c'était un arrachement, et les deux grosses larmes qu'elle retenait faisaient danser la rue dans un brouillard.

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