L'Argent

L'Argent (paragraphe n°1160)

Chapitre VII

Il y avait près d'une demi-heure qu'elle écrivait, lorsque le besoin d'un document l'égara dans une longue recherche, parmi les dossiers entassés sur sa table. Elle se leva, alla remuer d'autres papiers, revint s'asseoir, les mains pleines ; et, comme elle classait des feuilles volantes, elle tomba sur des images de sainteté, une vue enluminée du Saint-Sépulcre, une prière encadrée des instruments de la Passion, souveraine pour assurer le salut, dans les moments de détresse où l'âme est en danger. Alors, elle se souvint, son frère avait acheté ces images à Jérusalem, en grand enfant pieux. Une émotion soudaine la saisit, des larmes mouillèrent ses joues. Ah !ce frère, si intelligent, si longtemps méconnu, qu'il était heureux de croire, de ne pas sourire devant ce Saint-Sépulcre naïf pour boîte à bonbons, de puiser une sereine force dans sa foi à l'efficacité de cette prière, rimée en vers de confiseur ! Elle le revoyait trop confiant, trop facile à se laisser duper peut-être, mais si droit, si tranquille, sans une révolte, sans une lutte même. Et elle qui, depuis deux mois, luttait et souffrait, elle qui ne croyait plus, brûlée de lectures, dévastée de raisonnements, avec quelle ardeur elle souhaitait, aux heures de faiblesse, d'être restée simple et ingénue comme lui, au point de pouvoir endormir son cœur saignant, en répétant trois fois, matin et soir, l'oraison enfantine que les clous et la lance, la couronne et l'éponge de la Passion entouraient !

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