L'Argent

L'Argent (paragraphe n°1302)

Chapitre VIII

Et ce fut à la même époque, quinze jours plus tard, que Saccard inaugura l'hôtel monumental qu'il avait voulu, pour y loger royalement l'Universelle. Six mois venaient de suffire, on avait travaillé jour et nuit, sans perdre une heure, faisant ce miracle qui n'est possible qu'à Paris ; et la façade se dressait, fleurie d'ornements, tenant du temple et du café-concert, une façade dont le luxe étalé arrêtait le monde sur le trottoir. A l'intérieur, c'était une somptuosité, les millions des caisses ruisselant le long des murs. Un escalier d'honneur conduisait à la salle de conseil, rouge et or, d'une splendeur de salle d'opéra. Partout, des tapis, des tentures, des bureaux installés avec une richesse d'ameublement éclatante. Dans le sous-sol, où se trouvait le service des titres, des coffres-forts étaient scellés, immenses, ouvrant desgueules profondes de four, derrière les glaces sans tain des cloisons, qui permettaient au public de les voir, rangés comme les tonneaux des contes, où dorment les trésors incalculables des fées. Et les peuples avec leurs rois, en marche vers l'exposition, pouvaient venir et défiler là : c'était prêt, l'hôtel neuf les attendait, pour les aveugler, les prendre un à un à cet irrésistible piège de l'or, flambant au grand soleil.

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