L'Argent

L'Argent (paragraphe n°1899)

Chapitre X

Mazaud était rentré dans le cabinet des agents de change, en même temps que Jacoby et Delarocque. Il s'approcha du buffet, but un verre de bière, dévoré d'une soif ardente, et il regardait l'immense pièce, avec son vestiaire, sa longue table centrale autour de laquelle étaient rangés les fauteuils des soixante agents, ses tentures de velours rouge, tout son luxe banal et défraîchi qui la faisait ressembler à une salle d'attente de première classe, dans une grande gare ; il la regardait de l'air étonné d'un homme qui ne l'aurait jamais bien vue. Puis, comme il partait, sans une parole, il serra les mains de Jacoby et de Delarocque, de l'étreinte accoutumée, tous les trois pâlissant, sous leur attitude correcte de chaque jour. Il avait dit à Flory de l'attendre à la porte ; et il l'y trouva, en compagnie de Gustave, qui avait définitivement quitté la charge depuis une semaine, et qui était venu en simple curieux, toujours souriant, menant la vie de fête, sans se demander si son père, le lendemain, pourrait encore payer ses dettes ; tandis que Flory, blême, avec de petits ricanements imbéciles, s'efforçait de causer, sous l'effroyable perte d'une centaine de millefrancs, qu'il venait de faire, en ne sachant pas où en prendre le premier sou. Mazaud et son employé disparurent au milieu de l'averse.

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