L'Argent

L'Argent (paragraphe n°1900)

Chapitre X

Mais, dans la salle, la panique venait surtout de souffler autour de Saccard, et c'était là que la guerre avait fait ses ravages. Sans comprendre au premier moment, il avait assisté à cette déroute, faisant face au danger. Pourquoi donc cette rumeur ? n'étaient-ce pas les troupes de Daigremont qui arrivaient ? Puis, lorsqu'il avait entendu les cours s'effondrer, tout en ne s'expliquant pas la cause du désastre, il s'était raidi pour mourir debout. Un froid de glace montait du sol à son crâne, il avait la sensation de l'irréparable, c'était sa défaite, à jamais ; et le regret bas de l'argent, la colère des jouissances perdues n'entraient pour rien dans sa douleur : il ne saignait que de son humiliation de vaincu, que de la victoire de Gundermann, éclatante, définitive, qui consolidait une fois de plus la toute-puissance de ce roi de l'or. A cette minute, il fut vraiment superbe, toute sa mince personne bravait la destinée, les yeux sans un battement, le visage têtu, seul contre le flot de désespoir et de rancune qu'il sentait déjà monter contre lui. La salle entière bouillonnait, débordait vers son pilier ; des poings se serraient, des bouches bégayaient des paroles mauvaises ; et il avait gardé aux lèvres un inconscient sourire, qu'on pouvait prendre pour une provocation.

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