L'Argent

L'Argent (paragraphe n°1913)

Chapitre XI

Des larmes de douleur et de colère étaient montées aux yeux d'Hamelin. Lui qui venait de jeter si heureusement, à Rome, les bases de sa grande banque catholique, le Trésor du Saint-Sépulcre, pour permettre, aux jours prochains de la persécution, d'installerroyalement le pape à Jérusalem, dans la gloire légendaire des lieux saints : une banque destinée à mettre le nouveau royaume de Palestine à l'abri des perturbations politiques, en basant son budget, avec la garantie des ressources du pays, sur toute une série d'émissions dont les chrétiens du monde entier allaient se disputer les titres ! Et tout cela croulait d'un coup, dans cette imbécile démence du jeu ! Il était parti laissant un bilan admirable, des millions à la pelle, une société dans une prospérité si prompte et si haute, qu'elle faisait l'étonnement du monde ; et, moins d'un mois après, lorsqu'il revenait, les millions étaient fondus, la société était par terre, en poudre, il n'y avait plus rien qu'un trou noir, où le feu semblait avoir passé. Sa stupeur croissait, il exigeait violemment des explications, voulait comprendre quelle puissance mystérieuse venait de pousser Saccard à s'acharner ainsi contre l'édifice colossal qu'il avait élevé, à le détruire pierre par pierre d'un côté, tandis qu'il prétendait l'achever de l'autre.

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