L'Argent

L'Argent (paragraphe n°2200)

Chapitre XII

Ce ne fut que trois mois plus tard, vers le milieu de décembre, que l'affaire de la Banque Universelle vint enfin devant le tribunal. Elle tint cinq grandes audiences de la police correctionnelle, au milieu d'une curiosité très vive. La presse avait fait un bruit énorme autour de la catastrophe, des histoires extraordinaires circulaient sur les lenteurs de l'instruction. On remarqua beaucoup l'exposé des faits que le parquet avait dressé, un chef-d'œuvre de féroce logique, où les plus petits détails étaient groupés, utilisés, interprétés avec une clarté impitoyable. D'ailleurs, on disait partout que le jugement était rendu à l'avance. Et, en effet, l'évidente bonne foi d'Hamelin, l'héroïque attitude de Saccard qui tint tête à l'accusation pendant les cinq jours, les plaidoiries magnifiques et retentissantes de la défense, n'empêchèrent pas les juges de condamner les deux prévenus à cinq années d'emprisonnement et à trois mille francs d'amende. Seulement, remis en liberté provisoire sous caution, un mois avant le procès, et s'étant ainsi présentés devant le tribunal en qualité de prévenus libres, ils purent faire appel et quitter la France dans les vingt-quatre heures. C'était Rougon qui avait exigé ce dénouement, ne voulant pas garder sur les bras l'ennui d'un frère en prison. La police veilla elle-même au départ de Saccard, qui fila en Belgique, par un train de nuit. Le même jour, Hamelin était parti pour Rome.

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