L'Argent

L'Argent (paragraphe n°2231)

Chapitre XII

Dehors, sur le trottoir de la rue Vivienne, madame Caroline fut surprise de la douceur de l'air. Il était cinq heures, le soleil se couchait dans un ciel d'une pureté tendre, dorant au loin les enseignes hautes du boulevard. Cet avril, si charmant d'une nouvelle jeunesse, était comme une caresse à tout son être physique, jusqu'au cœur. Elle respira fortement, soulagée, plus heureuse déjà, avec la sensation de l'invincible espoir qui revenait et grandissait. C'était sans doute la mort si belle de ce rêveur, donnant son dernier souffle à sa chimère de justice et d'amour, qui l'attendrissait ainsi, dans le songe qu'elle avait également fait d'une humanité purgée du mal exécrable de l'argent ; et c'était encore le hurlement de l'autre, la tendresse exaspérée et saignante du terrible loup-cervier, qu'elle croyait sans cœur, incapable de larmes. Non pourtant ! elle ne s'en était pas allée sous l'impression consolante de tant de bonté humaine, au milieu de tant de douleur ; elle avait au contraire emporté la désespérance finale du petit monstre échappé, galopant, semant par les routes le ferment de pourriture dont jamais la terre n'arriverait à se guérir. Alors, pourquoi donc cette gaieté renaissante qui l'envahissait toute ?

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