L'Argent

L'Argent (paragraphe n°262)

Chapitre II

Puis, agrandissant encore son projet, Saccard en arriva à se demander pourquoi il n'épouserait pas la princesse d'Orviedo. Cela fixerait les positions, empêcherait les interprétations mauvaises. Pendant un mois, il manœuvra adroitement, exposa des plans superbes, crut se rendre indispensable ; et un jour, d'une voix tranquille, redevenu naïf, il fit sa proposition, développa son grand projet. C'était une véritable association qu'il offrait, il se donnait comme le liquidateur des sommes volées par le prince, il s'engageait à les rendre aux pauvres, décuplées. D'ailleurs, la princesse, dans son éternelle robe noire,avec son fichu de dentelle sur la tête, l'écouta attentivement, sans qu'une émotion quelconque animât sa face jaune. Elle était très frappée des avantages que pourrait avoir une association pareille, indifférente, du reste, aux autres considérations. Puis, ayant remis sa réponse au lendemain, elle finit par refuser : sans doute elle avait réfléchi qu'elle ne serait plus seule maîtresse de ses aumônes, et elle entendait en disposer en souveraine absolue, même follement. Mais elle expliqua qu'elle serait heureuse de le garder comme conseiller, elle montra combien précieuse elle estimait sa collaboration, en le priant de continuer à s'occuper de l'Œuvre du Travail, dont il était le véritable directeur.

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