L'Argent

L'Argent (paragraphe n°548)

Chapitre III

Docilement, Saccard se remit en marche, sachant que les journées de chance ne se recommencent pas. Mais il avait de nouveau renvoyé son fiacre, espérant rentrer chez lui à deux pas ; et, la pluie ayant l'air enfin de cesser, il descendit à pied, heureux de sentir sous ses talons ce pavé de Paris, qu'il reconquérait. Rue Montmartre, quelques gouttes d'eau lui firent prendre par les passages. Il enfila le passage Verdeau, le passage Jouffroy ; puis, dans le passage des Panoramas, comme il suivait une galerie latérale pour raccourcir et tomber rue Vivienne, il fut surpris de voir sortir d'une allée obscure Gustave Sédille, qui disparut, sans s'être retourné. Lui, s'était arrêté, regardant la maison, un discret hôtel meublé, lorsque, dans une petite femme blonde, voilée, qui sortait à son tour, il reconnut positivement madame Conin, la jolie papetière. C'était donc là, quand elle avait un coup de tendresse, qu'elle amenait ses amants d'unjour, tandis que son bon gros garçon de mari la croyait en course pour des factures ! Ce coin de mystère, au beau milieu du quartier, était fort gentiment choisi, et un hasard seul venait de livrer le secret. Saccard souriait, très égayé, enviant Gustave : Germaine Cœur le matin, madame Conin l'après-midi, il mettait les morceaux doubles, le jeune homme ! Et, à deux reprises, il regarda encore la porte, afin de la bien reconnaître, tenté d'en être, lui aussi.

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