L'Argent

L'Argent (paragraphe n°764)

Chapitre V

Cette lenteur venait de Saccard, qui, mécontent de la mesquinerie de l'installation, prolongeait les travaux par des exigences de luxe ; et, ne pouvant repousser les murs, pour contenter son continuel rêve de l'énorme, il avait fini par se fâcher et par se décharger sur madame Caroline du soin de congédier enfin les entrepreneurs. Celle-ci surveillait donc la pose des derniers guichets. Il y avait un nombre de guichets extraordinaire ; la cour, transformée en hall central, en était entourée : guichets grillagés, sévères et dignes, surmontés de belles plaques de cuivre, portant les indications en lettres noires. En somme, l'aménagement, bien que réalisé dans un local un peu étroit, était d'une disposition heureuse : au rez-de-chaussée, les services qui devaient être en relation suivie avec le public, les différentes caisses, les émissions, toutes les opérations courantes de banque ; et, en haut, le mécanisme en quelque sorte intérieur, la direction, la correspondance, la comptabilité, les bureaux du contentieux et du personnel. Au total, dans un espace si resserré, s'agitaient là plus de deux cents employés. Et cequi frappait déjà, en entrant, même au milieu de la bousculade des ouvriers, finissant de taper leurs clous, pendant que l'or sonnait au fond des sébiles, c'était cet air de sévérité, un air de probité antique, fleurant vaguement la sacristie, qui provenait sans doute du local, de ce vieil hôtel humide et noir, silencieux à l'ombre des arbres du jardin voisin. On avait la sensation de pénétrer dans une maison dévote.

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