L'Argent

L'Argent (paragraphe n°80)

Chapitre I

Sans ajouter un mot, il se leva, appela le garçon, pour payer, tandis que, très calme, Huret, qui connaissait ses colères, continuait à avaler de grosses bouchées de pain et le laissait aller, de peur d'un esclandre. Mais, à ce moment, dans la salle, il y eut une forte émotion. Gundermann venait d'entrer, le banquier roi, le maître de la Bourse et du monde, un homme de soixante ans, dont l'énorme tête chauve, au nez épais, aux yeux ronds, à fleur de tête, exprimait un entêtement et une fatigue immenses. Jamais il n'allait à la Bourse, affectant même de n'y pas envoyer de représentant officiel ; jamais non plus il ne déjeunait dans un lieu public. Seulement, de loin en loin, il lui arrivait, comme ce jour-là, de se montrer au restaurant Champeaux, où il s'asseyait à une des tables pour se faire simplement servir un verre d'eau de Vichy, sur une assiette. Souffrant depuis vingt ans d'une maladie d'estomac, il ne se nourrissait absolument que de lait.

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