L'Argent

L'Argent (paragraphe n°892)

Chapitre V

Aussi, le matin, dut-elle se mettre en course, car elle avait toutes sortes de formalités à remplir, pour être certaine que son protégé serait accueilli à l'Œuvre du Travail. Sa situation de secrétaire du conseil de surveillance, que la princesse d'Orviedo, la fondatrice, avait composé de dix dames du monde, lui facilita d'ailleurs ces formalités ; et, l'après-midi, elle n'eut plus qu'à aller chercher Victor à la cité de Naples. Elle avait emporté des vêtements convenables, elle n'était pas au fond sans inquiétude sur la résistance que le petit allaitleur opposer, lui qui ne voulait pas entendre parler de l'école. Mais la Méchain, à qui elle avait envoyé une dépêche et qui l'attendait, lui apprit dès le seuil une nouvelle, dont elle était bouleversée elle-même ; dans la nuit, brusquement, la mère Eulalie était morte, sans que le médecin eût pu dire au juste de quoi, une congestion peut-être, quelque ravage du sang gâté ; et l'effrayant, c'était que le gamin, couché avec elle, ne s'était aperçu de la mort, dans l'obscurité, qu'en la sentant contre lui devenir toute froide. Il avait fini sa nuit chez la propriétaire, hébété de ce drame, travaillé d'une sourde peur, si bien qu'il se laissa habiller et qu'il parut content, à l'idée de vivre dans une maison qui avait un beau jardin. Rien ne le retenait plus là, puisque la grosse, comme il disait, allait pourrir dans le trou.

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