L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°2146)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre XIII

Ah ! mon Dieu ! quelle vue ! Elle resta saisie. La cellule était matelassée du haut en bas ; par terre, il y avait deux paillassons, l'un sur l'autre ; et, dans un coin, s'allongeaient un matelas et un traversin, pas davantage. Là-dedans, Coupeau dansait et gueulait. Un vrai chienlit de la Courtille, avec sa blouse en lambeaux et ses membres qui battaient l'air ; mais un chienlit pas drôle, oh ! non, un chienlit dont le chahut effrayant vous faisait dresser tout le poil du corps. Il était déguisé en un-qui-va-mourir. Cré nom ! quel cavalier seul ! Il butait contre la fenêtre, s'en retournait à reculons, les bras marquant la mesure, secouant les mains, comme s'il avait voulu se les casser et les envoyer à la figure du monde. On rencontre des farceurs dans les bastringues, qui imitent ça ; seulement, ils l'imitent mal, il faut voir sauter ce rigodon des soûlards, si l'on veut juger quel chic ça prend, quand c'est exécuté pour de bon. La chanson a son cachet aussi, une engueulade continue de carnaval, une bouche grande ouverte lâchant pendant des heures les mêmes notes de trombone enroué. Coupeau, lui, avait le cri d'une bête dont on a écrasé la patte. Et, en avant l'orchestre, balancez vos dames !

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