L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°393)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre II

Mais Gervaise, en descendant l'escalier, se sentait toujours le cœur gros, tourmentée d'une bête de peur, qui lui faisait fouiller avec inquiétude les ombres grandies de la rampe. A cette heure, l'escalier dormait, désert, éclairéseulement par le bec de gaz du second étage, dont la flamme rapetissée mettait, au fond de ce puits de ténèbres, la goutte de clarté d'une veilleuse. Derrière les portes fermées, on entendait le gros silence, le sommeil écrasé des ouvriers couchés au sortir de table. Pourtant, un rire adouci sortait de la chambre de la repasseuse, tandis qu'un filet de lumière glissait par la serrure de mademoiselle Remanjou, taillant encore, avec un petit bruit de ciseaux, les robes de gaze des poupées à treize sous. En bas, chez madame Gaudron, un enfant continuait à pleurer. Et les plombs soufflaient une puanteur plus forte, au milieu de la grande paix, noire et muette.

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