L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°401)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre III

Enfin, le vendredi soir, la veille du grand jour, Gervaise et Coupeau, en rentrant du travail, eurent encore à trimer jusqu'à onze heures. Puis, avant de se coucher chacun chez soi, ils passèrent une heure ensemble, dans la chambre de la jeune femme, bien contents d'être au bout de cet embarras. Malgré leur résolution de ne pas se casser les côtes pour le quartier, ils avaient fini par prendre les choses à cœur et par s'éreinter. Quand ils se dirent bonsoir, ils dormaient debout. Mais, tout de même, ils poussaient un gros soupir de soulagement. Maintenant, c'était réglé. Coupeau avait pour témoins monsieur Madinier et Bibi-la-Grillade ; Gervaise comptait sur Lorilleux et sur Boche. On devait allertranquillement à la mairie et à l'église, tous les six, sans traîner derrière soi une queue de monde. Les deux sœurs du marié avaient même déclaré qu'elles resteraient chez elles, leur présence n'étant pas nécessaire. Seule maman Coupeau s'était mise à pleurer, en disant qu'elle partirait plutôt en avant pour se cacher dans un coin ; et on avait promis de l'emmener. Quant au rendez-vous de toute la société, il était fixé à une heure, au Moulin-d'Argent. De là, on irait gagner la faim dans la plaine Saint-Denis ; on prendrait le chemin de fer et on retournerait à pattes, le long de la grande route. La partie s'annonçait très bien, pas une bosse à tout avaler, mais un brin de rigolade, quelque chose de gentil et d'honnête.

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