L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°907)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre VI

La grande Clémence mettait à neuf une chemise d'homme, dont elle détachait les plis du bout de l'ongle. Elle avait un rhume à crever, les yeux enflés, la gorge arrachée par des quintes de toux qui la pliaient en deux, au bord de l'établi. Avec ça, elle ne portait pas même un foulard au cou, vêtue d'un petit lainage à dix-huit sous, dans lequel elle grelottait. Près d'elle, madame Putois, enveloppée de flanelle, matelassée jusqu'aux oreilles, repassait un jupon, qu'elle tournait autour de la planche à robe, dont le petit bout était posé sur le dossier d'unechaise ; et, par terre, un drap jeté empêchait le jupon de se salir, en frôlant le carreau. Gervaise occupait à elle seule la moitié de l'établi, avec des rideaux de mousseline brodée, sur lesquels elle poussait son fer tout droit, les bras allongés, pour éviter les faux plis. Tout d'un coup, le café qui se mit à couler bruyamment lui fit lever la tête. C'était ce louchon d'Augustine qui venait de pratiquer un trou au milieu du marc, en enfonçant une cuiller dans le filtre.

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