L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°913)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre VI

Il restait du café, heureusement. Maman Coupeau alla chercher un sixième verre, et Gervaise laissa Virginiese sucrer, par politesse. Les ouvrières s'écartèrent, firent à celle-ci une petite place près de la mécanique. Elle grelotta un instant, le nez rouge, serrant ses mains raidies autour de son verre, pour se réchauffer. Elle venait de chez l'épicier, où l'on gelait, rien qu'à attendre un quart de gruyère. Et elle s'exclamait sur la grosse chaleur de la boutique : vrai, on aurait cru entrer dans un four, ça aurait suffi pour réveiller un mort, tant ça vous chatouillait agréablement la peau. Puis, dégourdie, elle allongea ses grandes jambes. Alors, toutes les six, elles sirotèrent lentement leur café, au milieu de la besogne interrompue, dans l'étouffement moite des linges qui fumaient. Maman Coupeau et Virginie seules étaient assises sur des chaises ; les autres, sur leurs petits bancs, semblaient par terre ; même ce louchon d'Augustine avait tiré un coin du drap, sous le jupon, pour s'étendre. On ne parla pas tout de suite, les nez dans les verres, goûtant le café.

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