L'Œuvre

L'Œuvre (paragraphe n°1030)

Chapitre VI

D'ailleurs, elle trouvait très jolies ses dernières toiles. Après cette année de repos en pleine campagne, en pleine lumière, il peignait avec une vision nouvelle, commeéclaircie, d'une gaieté de tons chantante. Jamais encore il n'avait eu cette science des reflets, cette sensation si juste des êtres et des choses, baignant dans la clarté diffuse. Et, désormais, elle aurait déclaré cela absolument bien, gagnée par ce régal de couleurs, s'il avait voulu finir davantage, et si elle n'était restée interdite parfois, devant un terrain lilas ou devant un arbre bleu, qui déroutaient toutes ses idées arrêtées de coloration. Un jour qu'elle osait se permettre une critique, précisément à cause d'un peuplier lavé d'azur, il lui avait fait constater, sur la nature même, ce bleuissement délicat des feuilles. C'était vrai pourtant, l'arbre était bleu ; mais, au fond, elle ne se rendait pas, condamnait la réalité : il ne pouvait y avoir des arbres bleus dans la nature.

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