L'Œuvre

L'Œuvre (paragraphe n°1158)

Chapitre VII

Eh bien ! tu me croiras si tu veux, mais quand on crève la faim, ce n'est pas désagréable de ne jamais s'adresser la parole. Oui, on s'abrutit dans le silence, c'est comme un empâtement qui calme un peu les maux d'estomac... Ah ! ce Chaîne, tu n'as pas idée de son fond paysan ! Lorsqu'il a eu mangé son dernier sou, sans arriver à gagner avec la peinture la fortune attendue, il s'est lancé dans le négoce, un petit négoce qui devait lui permettre d'achever ses études. Hein ? très fort, le bonhomme ! et tu vas voir son plan : il se faisait envoyer de l'huile d'olive de Saint-Firmin, son village, puis il battait le pavé, il plaçait l'huile dans les riches familles provençales, qui ont des positions à Paris. Malheureusement, ça n'a pas duré, il est trop rustre, il s'est fait mettre à la porte de partout... Alors, mon vieux, comme il reste une jarre d'huile dont personne ne veut, ma foi ! nous vivons dessus. Oui, les jours où nous avons du pain, nous trempons notre pain dedans.

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