L'Œuvre

L'Œuvre (paragraphe n°1436)

Chapitre VIII

Dans cette première heure de passion et d'espoir, Claude, si ravagé par le doute d'habitude, crut en son génie. Il n'avait plus de ces crises, dont l'angoisse le lançait pendant des jours sur le pavé, en quête de son courage perdu. Une fièvre le raidissait, il travaillait avec l'obstination aveugle de l'artiste qui s'ouvre la chair, pour en tirer le fruit dont il est tourmenté. Son long repos à la campagne lui avait donné une fraîcheur de vision singulière, une joie ravie d'exécution ; il lui semblait renaître à son métier, dans une facilité et un équilibre qu'il n'avait jamais eus ; et c'était aussi une certitude de progrès, un profond contentement, devant des morceaux réussis, où aboutissaient enfin d'anciens efforts stériles. Comme il le disait à Bennecourt, il tenait son plein air, cette peinture d'une gaieté de tons chantante, qui étonnait les camarades, quand ils le venaient voir. Tous admiraient, convaincus qu'il n'aurait qu'à se produire, pour prendre sa place, très haut, avec des œuvres d'unenotation si personnelle, où pour la première fois la nature baignait dans de la vraie lumière, sous le jeu des reflets et la continuelle décomposition des couleurs.

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