L'Œuvre

L'Œuvre (paragraphe n°1444)

Chapitre VIII

Christine, alors, souffrit avec Claude. Elle avait partagé ses espoirs, très brave, égayant l'atelier de son activité de ménagère ; et, maintenant, elle s'asseyait, découragée quand elle le voyait sans force. A chaquetableau refusé, elle montrait une douleur plus vive, blessée dans son amour-propre de femme, ayant cet orgueil du succès qu'elles ont toutes. L'amertume du peintre l'aigrissait aussi, elle épousait ses passions, identifiée à ses goûts, défendant sa peinture qui était devenue comme une dépendance d'elle-même, la grande affaire de leur vie, la seule importante désormais, celle dont elle espérait son bonheur. Chaque jour, elle devinait bien que cette peinture lui prenait son amant davantage ; et elle n'en était pas encore à la lutte, elle cédait, se laissait emporter avec lui, pour ne faire qu'un, au fond du même effort. Mais une tristesse montait de ce commencement d'abdication, une crainte de ce qui l'attendait là-bas. Parfois, un frisson de recul la glaçait jusqu'au cœur. Elle se sentait vieillir, tandis qu'une pitié immense la bouleversait, une envie de pleurer sans cause, qu'elle contentait dans l'atelier lugubre, pendant des heures, quand elle y était seule.

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